Edgar Morin rend accessible la complexité dans toutes ses dimensions.
Cette approche et surtout cette capacité de simplexité m'inspire à vous partager quelques citations de "La méthode de la méthode" paru en 2024.
L’être vivant auto-référent est capable d’élaborer un méta-système de référence polarisé d’une part et la réalité auto-référente de sa propre conscience, d’autre part pour la réalité éco-référente du monde extérieur.
La physique n’a pas encore remplacé son paradigme d’ordre par un paradigme complexe où le concept d’organisation est lié en constellation aux notions de désordre, d’interaction et d’ordre. Ce qui permet, et dès le principe, d’intégrer les notions d’aléa et d’évènement.
Le terme d’organisation comporte sa part d’ombre et d’opacité irréductible.
Le terme d’organisation est** ouvert**, c’est-à-dire renvoie aux termes conjoints et inséparables d’interaction, de désordre et d’ordre ; il porte en lui la complexité, c’est-à-dire l’ambigüité, les antagonismes internes …
Il nous faut opérer la promotion de ce terme d’organisation.
La vie est système (au sens organisation).
Le concept d’organisation est central pour la vie.
Organiser, non ordonner
Le principe paradigmatique de l’action complexe est fondé sur l’organisation par opposition à l’ordre. Ce principe reconnaît la part, le rôle, l’utilité du désordre, de la spontanéité, des interactions, des contradictions. Plus il s’élève dans la complexité des phénomènes à organiser, qu’il s’agisse des êtres vivants, de réalités sociales, et par là même d’êtres humains, plus il fait appel aux** formes les plus complexes d’organisation**, c’est-à-dire l’autonomie consciente des sujets, à leur liberté (auto-organisation) et aux interactions créatrices entre ces sujets (auto-éco-ré-organisation).
La nouvelle non-violence
Certes, toute action suppose travail, c’est-à-dire dépense d’énergie. Mais l’erreur serait de quantifier l’action en fonction du travail fourni, de l’énergie dépensée. L’action se mesure au rapport optimal entre l’information qui contrôle, oriente, fournit à l’énergie les patterns efficaces, et l’énergie dépensée elle-même.
Animer, non diriger
L’idée d’animation est encore plus riche, car elle correspond à une action qui est une intervention provisoire, partielle, sur certains centres défaillants ou bloqués, pour les animer, les stimuler à faire le plein emploi de leur potentialités auto-organisationnelles.
L’animateur peut être en effet inspirateur. Il peut être aussi** agitateur**. L’agitateur est celui qui accroît la chaleur sociale autour de lui, agitation thermodynamique, à la fois source de désordres, d’inventions, et de plus en plus, en s’élevant dans la complexité, de formes nouvelles d’organisation.
Correction/auto-correction
La correction doit être d’abord acte réflexif sur soi et auto-correction. Ici encore le chemin de la complexité recoupe le chemin du Tao chinois : « Diriger les autres, c’est d’abord se rectifier soi-même. ». C’est aussi l’idée maîtresse de toute complexité dans l’organisation sociale : les contrôleurs doivent non seulement être auto-contrôlés, mais il faut que cet auto-contrôle soit aussi contrôlé de l’extérieur.
L’action est anti-manichéenne
L’action, dans ses caractères intrinsèques, porte en elle une incertitude non manichéenne, et que, de plus, l’action ne doit pas être manichéenne, sous risque qu’elle ne sera même pas de l’action efficace.
Le principe d’incertitude de l’action
Toute action, de par son caractère volontaire et conscient, est liée à une décision, elle doit d’effectuer dans un environnement d’où l’on ne peut exclure les évènements aléatoires. Le** propre de l’action**, ce n’est pas tant d’effectuer un travail, c’est d’être une intervention aléatoire dans un milieu aléatoire.
Le principe de dérive et transformation écologique
Dès les premiers instants de l’action, celle-ci entre dans l’environnement et commence à faire partie de cet environnement.
L’auto-correction permanente, la correction par la critique extérieure, l’analyse des modifications de la situation, le recours permanent à la stratégie sont conjointement nécessaires à l’action.
L’action complexe doit, en premier lieu, être anti-manichéenne, c’est-à-dire non pas masquer l’incertitude, l’ambigüité, le changement et le choc en retour écologique du sens et de la portée de la même action.
L’action est à la fois réponse à de l’incertitude et créatrice d’incertitude que, pour échapper à l’angoisse et à la démoralisation de l’incertitude, nous avons recherché, comme drogue ou antidote, la certitude subjective, c’est-à-dire le manichéisme, la conviction d’être dans le camp du bien ou du mal, de la vérité et de la justice de notre action, du mensonge et de l’injustice de l’action contraire.
Le problème de l’action complexe, comme celui de la pensée complexe, est celui de la connivence, de la « con-vivence » avec l’incertitude. Voilà sans doute le très grand saut existentiel qu’il faut accomplir pour que puisse commencer, au niveau de la pensée et de l’action, l’existence complexe. C’est ce qui se passe déjà à chaque instant au niveau biologique : vivre avec l’invivable, c’est cela vivre.
La vie avec l’incertitude, le principe de l’action anti-manichéenne supposent bien plus que l’entretien du doute : l’accueil, la tolérance avec le désordre et la contradiction.
Les principes d’hyper-complexité de l’action
L’action doit subir les risques et se préparer à accepter l’incertitude permanente. L’action hyper-complexe est celle qui favorise de façon conjointe, pour les êtres et les groupes humains, l’auto-organisation, c’est-à-dire la responsabilité et l’initiative des sujets, et l’éco-organisation, c’est-à-dire, les forces spontanées d’organisation.
Il y a une acceptation du désordre dans la liberté. Une acceptation de la déviance pour l’invention et la créativité. Mais tout pourrait se désagréger très rapidement s’il n’y avait en parallèle l’épanouissement de cette vertu d’origine apparemment anti-rationnelle, puisqu’elle est mystique, mais qui se révèle être hyper-rationnelle, et qui est l’amour, lequel amour sur le plan social devient communauté et fraternité.
Il s’agit d’envisager une transformation en chaîne, parce que radicale, allant du niveau de l’individu, de ses rapports avec lui-même et les autres, jusqu’à l’ensemble de la planète.